Un spectateur palestinien violenté par les vigiles
Séries Mania, c’est comme un festival de cinéma mais pour les séries. Depuis 2018, l’événement envahit Lille une semaine par an à grand coup de matraquage publicitaire financé par la Région. Les « stars » et politicien·nes s’y rendent le temps d’une projection ou d’une « masterclass », en passant inévitablement sur une version low-cost du tapis rouge de Cannes, attirant les caméras de tous les médias. L’occasion aussi pour nos collectifs militants locaux de se payer un coup de projecteur.
Pour cette édition 2025, l’Association France-Palestine Solidarité (AFPS 59/62) s’est invitée au Nouveau Siècle pour la projection de la série israélienne The German qui concoure dans la sélection internationale du festoche : une action dans le cadre de la campagne Boycott Désinvestissement Sanction (BDS). L’objectif : une dénonciation et sanction populaire de la politique génocidaire du gouvernement israélien.
L’association demande la déprogrammation des « séries financées par les institutions israéliennes complices de la colonisation des territoires palestiniens occupés » (et non l’ensemble des séries israéliennes). Elle pointe également que Séries Mania anime depuis plusieurs années une résidence franco-israélienne de co-écriture de scénario, et appelle à y mettre fin.
21 militant·es se sont rendu·es à la projection par groupes de 3, billet de réservation en main. Dès la file d’attente, ça coince pour trois femmes, empêchées d’accéder à la salle. Questionnée par La Brique, Leïla indique qu’elle a été reconnue par des agents des renseignements territoriaux. Elle questionne les motivations de ces contrôles totalement arbitraires et ce refus d’accé-der à la salle. « C’est des pales-tiniens, ils ne rentrent pas », lance un agent de sécurité.
« La responsable du Nouveau Siècle a indiqué qu’ils avaient des consignes d’être vigilants parce qu’il y a 2 ans, des gens avaient saccagé le tapis rouge », précise Leïla. La Brique se souvient de cet événement en 2023 : aucun saccage, juste 150 manifestant·es contre la réforme des retraites imposée par 49-3 qui ont bousculé les barrières, dans une ambiance festive, mais bien 30 policiers qui accourent et gazent le tapis rouge (qui est en fait violet). Ce souvenir permet donc à la direction de botter en touche sur ces contrôles au faciès.
Les 18 autres militant·es, à leurs places dans la salle, ont pu intervenir pendant la séance. Par intermittence, chaque petit groupe se levait et scandait des slogans, comme « Israël assassine des cinéastes en Palestine ».
« Ils ont tour à tour été sortis par la sécurité, parfois de manière violente », lit-on dans leur communiqué. À la fin, il ne reste que le dernier militant, d’origine palestinienne, resté totalement silencieux sur son siège. Leïla nous indique qu’il avait décidé de ne pas intervenir : « Il voulait vraiment attendre le débat à la fin de la projection pour avoir l’occasion d’interpeller les scénaristes et acteurs israéliens ».
Désigné par les flics, trois vigiles lui tombent dessus pour le sortir de force. « Ils le mettent au sol, clé d’étranglement, ils s’assoient sur lui ». Un homme sans lien filme la scène et se fait virer par la sécu au passage. Outré·es, d’autres spectateur·rices quittent la salle. La police nationale intervient pour mettre les menottes au militant palestinien… et finit par le relâcher au bout de 10 minutes faute de chef d’accusation. D’un point de vue extérieur, c’était donc un simple spectateur violenté, par des agents « habillés en noir avec des lunettes » puis par la police.
Dehors, les menaces des vigiles ne cessent pas, consternant les passant·es et les militant·es, qui distribuent leurs tracts. Les dérives autoritaires atteignent jusque nos institutions culturelles, et Séries Mania n’y échappe pas.
Crédit photo : L'insurgée
Issu du numéro 72 | «Le Prix du Plomb»
Trimestriel